mercredi 7 février 2018


PARTIE II : Les Pays Expérimentateurs de ce revenu

      Ensuite nous allons voir quels pays à travers le monde expérimentent l'instauration de ce revenu.

La Finlande a entamé le 1er janvier 2017 une expérimentation du revenu universel.
Déjà instauré à Singapour (Pays D’Asie), en Alaska (Etats-Unis) et testé en Otario (Canada), pour la première fois, un pays européen se lance dans l’aventure. 
2000 personnes vont bénéficier du revenu universel sur 5,5 millions d’habitants que compte la Finlande. 2000 personnes ont été sélectionnées pour ce test âgées de 25 à 58 ans, elles sont toutes en recherche d’emploi et seront privées d’allocation chômage, le revenu universel faisant en quelque sorte office de remplacement.
Parallèlement, un groupe test de chômeurs touchant environ les mêmes montant a été constitué. L’idée est de comparer les deux groupes à la fin du test, prévu pour 2018. 
Un coût de 20 millions d’euros sur deux ans.
Le gouvernement finlandais avait prévu un budget de 20 millions d’euros pour financer le dispositif qui s’étale sur deux années :2017 et 2018.
Si l’essai s’avère concluant, Helsinki (capital de la Finlande) promet de l’appliquer à l’ensemble du pays.

Autre pays européens :

Si la Finlande est le 1er pays européen à s’être aventuré dans une expérimentation, elle n’est pas la seule à voir l’idée germer. En Suisse, la question a été tranchée par référendum, les trois quarts des citoyens ont rejeté l’instauration d’un revenu universel.
Les villes ont pris les devants aux Pays-Bas. Plusieurs d’entre elles, dont Utrecht, la 4eme ville du pays s’apprêtaient à faire des tests en 2016 avant de voir leur plan rejeté par l’État. 
Elles travaillaient actuellement sur un nouveau cadre légal pour arriver à leur fin. En 1964, 36 millions de personnes vivent sous seuil de pauvreté aux Etats-Unis. Inspiré du « demogrant » (allocation mensuelle versée aux familles les plus précaires) de l’économiste James Tobin, l’administration fédérale de Lydon Johnson lance quatre expériences de revenu de base sous la forme d’impôts négatifs. Il s’agit de compléter le revenu des habitants les plus pauvres sur un territoire donné lorsqu’il est inférieur à un certain seuil, sans contrepartie. La première expérimentation, menée dans le New Jersey et en Pennsylvanie entre 1968 et 1972, implique plus de 1200 personnes vivant en zone urbaine. La seconde expérience, dans l’Iowa et la Caroline du Nord entre 1972, comporte environ 800 participants résidant principalement dans les zones rurales. Dans la troisième, à Seattle et à Denver, 4800 personnes vont faire partie des bénéficiaires entre 1971 et 1982. Leur revenu ne doit pas être supérieur à 11000 dollars par an pour une famille monoparentale et à 13000 dollars pour une famille biparentale. A Gary, dans l’Indiana, la quatrième expérimentation menée de 1971 à 1974 engage 1800 familles, principalement monoparentales.
Différents revenus garantis et taux d’imposition sont testés. Les concepteurs du projet font le choix de ne pas les fixer à un niveau élevé, de peur de créer de fortes désincitations au travail. L’objectif vise d’ailleurs à établir un lien entre nombre d’heures travaillées et revenu de base.

Les résultats ?

Les participants ont réduit leur temps de travail, mais moins que ce que redoutaient les détracteurs du projet. C’est sur les épouses et les jeunes en âge d’entrer dans la vie active que les effets ont été les plus importants. Par rapport aux groupes tests, leur volume de travail horaire a diminué de 20 % à 30 %. Cette baisse est à associer à l’amélioration des résultats scolaires des jeunes. Selon Karl Widerquist, chercheur à l’université d’Oxford, les partisans du projet montraient que les hommes,dits « chefs de famille », prenaient plus de temps à chercher du travail entre deux emplois, ce qui pouvait améliorer l’adéquation entre offre et demande de travail. Les parents consacraient par ailleurs plus de temps à leurs enfants et à leurs études, ce qui faisait mécaniquement grimper leurs résultats scolaires.
Mais nombreux sont les médias et les politiciens à s’être élevés contre ce revenu universel et à avoir amplifié délibérément les chiffres liés à la réduction du temps de travail. Le coup de grâce a été donné lorsque l’aile conservatrice des politiques s’est emparée de données erronées sur les taux de divorces chez les participants à l’expérience de Denver et de Seattle. Selon certains sociologues, les divorces auraient augmenté de plus de 50 % dans les villes bénéficiaires du revenu de base par rapport aux groupes de contrôle. Dès lors, le revenu de base a été accusé de «  dissoudre les familles » et le Sénat américain l’a définitivement enterré en 1982.

Canada : Winnipeg et Dauphin ont tenté l’expérience
En 1974, une équipe de chercheurs met en place une expérimentation, appelée programme Mincome (pour « minimum income », revenu minimum), dans deux villes de L’État central du Manitoba, au Canada : Winnipeg (450000 habitants) et Dauphin (environ 10000 habitants). Si, dans la première, seulement un petit échantillon de la population reçoit une allocation mensuelle, dans la seconde, tous les habitants dont le revenu est jugé bas peuvent en bénéficier. Finalement, un tiers des résidents de Dauphin, soit environ 1000 familles, sont assez pauvres pour être éligibles à l’allocation.
L’étude cherchait à évaluer l’effet désincitatif au travail que pouvait procurer un tel revenu. Mais une alternance politique met fin à l’expérimentation en 1979. Le Canada subit alors de plein fouet une forte récession économique et le programme, financé à 75 % par l’État fédéral, a déjà coûté 17 millions de dollars canadiens. Les nouveaux dirigeants, ne voyant pas leurs prédécesseurs, ne fournissent même pas les fonds pour exploiter les résultats du projet. Les données collectées sont rangées dans des cartons qui restent entreposés aux archives nationales pendant plus de 30 ans. L’expérience et ses résultats auraient pu tomber aux oubliettes si Evelyn Forget, professeure d’économie à l’université du Manitoba, ne s’y était pas intéressée. Sans données numérisées, la chercheuse a commencé à exploiter les chiffres de l’assurance maladie mise en place au début des années 1970.
30 ans plus tard, cette allocation n’a pas diminué le temps de travail des habitants de Dauphin sauf pour les jeunes en âge de travailler et les femmes mariées avec un nouveau né à la maison. Elles profitent de ce revenu pour avoir un plus grand congé marternel. Evelyn Forget a aussi montré que le taux de réussite dans le secondaire était plus élevé et que les adolescents plongeraient leurs études. Chez les bénéficiaires, le taux d’hospitalisation baisse de 8,5 %.


   Après avoir étudiés ces 2 cas, qu'en est-il de la France dans tout ceci ?

Pour finir, en France, une mission d’information du Sénat a proposé en octobre d’expérimenter, dans les territoires qui le souhaitent, la mise en place d’un revenu universel. La porte est ouverte mais pour l’instant personne ne se presse alors qu’a gauche comme à droite, de Nathalie Koscuisko-Morizet (femme politique) à Benoît Hamon (Homme politique) en passant par Manuel Valls (Ancien premier ministre français), les soutiens à un tel projet commencent à se former.
Dans une déclaration commune au Journal du Dimanche du 26 novembre, huit présidents (socialistes) de conseils départementaux se disent prêts à s'engager dans une expérimentation du revenu universel ou du revenu de base. Il s'agit en l'occurrence des départements de l'Ariège, de l'Aude, de la Haute-Garonne, du Gers, de la Gironde, de l'Ille-et-Vilaine, de la Meurthe-et-Moselle et de la Seine-Saint-Denis. Très présent dans la campagne présidentielle (voir nos articles ci-dessous) - au point d'être intégré au programme de Benoît Hamon, candidat du PS -, le revenu universel semblait depuis lors retombé dans un relatif oubli. Mais les huit présidents l'affirment : "Nous décidons aujourd'hui de prendre nos responsabilités, et avec engagement et pragmatisme, nous revendiquons notre rôle de défricheurs des possibles pour contribuer à la refondation de notre contrat social."

Pallier la complexité du RSA et des minima sociaux

Parmi les raisons de cet engagement, les signataires avancent notamment la complexité du RSA et celle de l'ensemble des minimas sociaux, qui "engendrent du non recours - plus de 30% de ceux qui ont droit au RSA n'en font pas la demande -, des ruptures de droits, des indus", mais aussi le fait que "le RSA échoue à vaincre la pauvreté, qui frappe près de neuf millions de personnes en France, et suscite la stigmatisation de ceux qui le perçoivent".
Les huit présidents de conseil départementaux ne disent toutefois rien sur la méthode et le calendrier éventuel, même si la perspective d'une expérimentation à partir de la mi-2019 semble envisagée. Il est vrai qu'une telle expérimentation suppose des modifications législatives et réglementaires, compte tenu de l'imbrication entre le RSA, le possible revenu universel ou revenu de base et les autres minima sociaux, sans oublier tous les dispositifs et droits connexes en lien avec la perception de certaines prestations.

Jouer sur l'assouplissement attendu du droit à l'expérimentation

Ils entendent en revanche s'appuyer sur la déclaration d'Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier (voir notre article ci-dessous du même jour), réitérée devant le 100e congrès des maires de France, le 23 novembre (voir notre article ci-dessous du même jour). Le chef de l'Etat affirmait notamment souhaiter que "l'article 72 [de la Constitution] puisse être modifié pour permettre aux collectivités de pérenniser une expérimentation réussie, sans que celle-ci ait vocation à être généralisée au plan national". Cette réforme permettrait de lever le verrou de la généralisation au bout de deux ans, qui n'est pas compatible avec des dispositifs complexes comme le revenu universel.
Les huit présidents entendent donc "passer de l'étude en laboratoire au test in vivo en portant un projet d'expérimentation au Parlement". Il s'agira en l'occurrence d'"élaborer un modèle robuste, crédible scientifiquement, audacieux socialement et soutenable financièrement grâce à des micro-simulations". Puis, les signataires prévoient de "l'évaluer pour l'ajuster, avant peut-être de le généraliser".

Vers un revenu inconditionnel dégressif ?

En attendant, les signataires se veulent très prudents, d'autant que la question est loin de faire l'unanimité au sein même du parti Socialiste. Il semble ainsi que l'expérimentation porterait plutôt sur un revenu de base que sur un revenu réellement universel. Dans une interview au quotidien Libération, Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, évoque, parmi les publics susceptibles d'être concernés, les aidants qui s'occupent d'un proche dépendant, les agriculteurs "qui n'arrivent pas toujours à vivre de leurs revenus agricoles", ou encore les personnes en reconversion professionnelle. Outre la question du public cible, il faudra également régler celle du périmètre du dispositif et du montant de l'allocation.
Dans un premier temps, et toujours selon Jean-Luc Gleyze, une étude de faisabilité pourrait être confiée par les huit départements à l'Institut des politiques publiques. Parmi les pistes "raisonnables" à étudier, le président du conseil départemental cite celle d'un revenu inconditionnel dégressif, jugé "moins stigmatisant". Chacun bénéficierait ainsi de la même somme théorique, mais le montant versé serait dégressif en fonction des revenus, puis réduit à zéro au-delà d'un seuil qui reste à fixer. Une sorte de "revenu universel ciblé"...

Crowdfunding, tirage au sort et revenu de base

On rappellera toutefois que l'initiative des huit présidents de conseils départementaux n'est pas la première du genre. Dans une approche beaucoup moins scientifique, Julien Bayou - porte-parole national d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) et conseiller régional d'Ile-de-France - a en effet lancé une "expérimentation citoyenne". Baptisée "MonRevenudebase" et dotée d'un site de crowdfunding du même nom, elle regroupe 50.000 participants à ce jour.
Leurs contributions ont déjà permis de recueillir 26.000 euros, selon un communiqué de l'intéressé en date du 9 novembre. Deux participants seront donc tirés au sort pour bénéficier d'un revenu de base de 1.000 euros mensuels durant douze mois. D'autres participants pourront en bénéficier - toujours par tirage au sort - au fur et à mesure que le recueil de fonds franchira une nouvelle tranche de 12.000 euros. Une méthode qui s'apparente beaucoup à une loterie... Mais, pour Julien Bayou, l'objectif de "Mon Revenu de base" est surtout de "susciter le débat en France et obtenir une loi d'autorisation des expérimentations pour enfin mettre en place un vrai revenu universel".

Le montant du revenu de base n’échappe pas aux interprétations idéologique. Proposer une allocation de 400 euros ou 2000 euros, ce n’est pas souhaiter un changement macro-économique (s’attache à l’étude des phénomène économique de grande échelle, comme l’évolution du chômage, du revenu national) de même nature. En fait, plus la somme est élevée, plus elle induit le remplacement de toutes les aides sociales pré-existantes : on se rapproche donc du libéralisme (opposé au totalitarisme).
Résultat de recherche d'images pour "revenu universel tirage au sort"
En matière économique, le libéralisme est une doctrine qui défend la libre entreprise et la liberté du marché.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire